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Droit des successions

Prescription de l’action en réduction dans le cadre d’une succession – Droit transitoire

Liquidation et partage de successions

Rappel des règles applicables

Avant l’entrée en vigueur de la réforme : avant la loi 2006-728 du 23 juin 2006

La prescription de l’action en réduction était trentenaire jusqu’à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 (Ccass Civ 1ère 24 nov. 1987 n° 86-10.635).

Ce délai de prescription, de droit commun et très long, était très critiqué par les auteurs de doctrine à cause du risque d’insécurité qu’il faisait peser sur les liquidations et les partages.

Après l’entrée en vigueur de la réforme : après la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006

La réforme a écourté le délai de prescription de l’action en réduction, pour les successions ouvertes à compter du 1er janvier 2007 (Ccass Civ 1ère 22 févr. 2017 n° 16-11.961).

L’article 921 du code civil, dans sa version applicable aux successions ouvertes à compter du 1er janvier 2007, dispose :

« La réduction des dispositions entre vifs ne pourra être demandée que par ceux au profit desquels la loi fait la réserve, par leurs héritiers ou ayants cause : les donataires, les légataires, ni les créanciers du défunt ne pourront demander cette réduction, ni en profiter.

Le délai de prescription de l’action en réduction est fixé à cinq ans à compter de l’ouverture de la succession, ou à deux ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l’atteinte portée à leur réserve, sans jamais pouvoir excéder dix ans à compter du décès ».

Ce texte prévoit donc deux cas de figure :

  • soit l’héritier a connaissance de l’éventuelle atteinte portée à sa réserve dès l’ouverture de la succession et dans ce cas le délai de prescription est de cinq années à compter du décès ;
  • soit il a connaissance de cette éventuelle atteinte à une autre date, par hypothèse après l’expiration de ce délai de cinq années, et son délai pour agir est alors de deux années, dans la limite toutefois des dix années à compter du décès.

Ce second délai de deux années trouve donc application seulement lorsque le délai de cinq années à compter du décès a expiré sans que l’héritier ait eu connaissance de l’atteinte, ce qui lui ouvre alors un nouveau délai de deux années, lequel ne peut toutefois pas aller au-delà de 10 années après le décès.

Le nouveau système a donc eu vocation à concilier la sécurité des partages successoraux et la protection des héritiers réservataires, dont les droits doivent être reconstitués en présence de transmission importantes.

Droit transitoire : comment traiter les successions en cours ?

Par quel délai se prescrit l’action en réduction lorsque la succession s’est ouverte avant l’entrée en vigueur de la loi de 2006 ?

Lorsqu’une loi nouvelle abrège la durée d’une prescription, son application dans le temps est déterminée par une règle de droit transitoire, d’abord reconnue en jurisprudence puis par la loi de 2008 au second alinéa de l’article 2222 du code civil) : 

« En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ». 

Dès lors, dans le cadre de la réforme des délais de prescription afférent à l’action en réduction, en principe l’action en réduction se prescrit au plus tard le 1er janvier 2012 (sauf, jusqu’au 1er janv. 2017, à justifier d’une découverte dans les deux années précédant l’introduction de la demande) ou à l’expiration de la trentième année suivant l’ouverture de la succession

La haute juridiction a dû répondre à cette question d’application de la loi dans le temps (Ccass Civ 1ère  2 févr. 2017 n° 16-11.961) :

En l’espèce, une succession s’est ouverte le 8 mars 2004 (avant la réforme) et l’action en réduction est intentée le 27 janvier 2011.

La cour d’appel a estimé que la demande est irrecevable en application de la prescription quinquennale de l’article 921.

L’arrêt d’appel est cassé pour violation des dispositions de droit transitoire de la loi du 23 juin 2006. La Cour de cassation relève qu’aux termes de l’article 47, II de cette loi, le nouvel article 921 n’est applicable qu’aux successions ouvertes à compter de l’entrée en vigueur – fixée au 1er janvier 2007 – de la réforme

Par conséquent, la cour d’appel ne pouvait déclarer l’action en réduction éteinte par l’effet de la prescription quinquennale de l’article 921 : 

« Alors 1°) que l’action en réduction des libéralités concourt au partage de la succession et est incluse en germe dans l’action en partage ; qu’en considérant, pour déclarer prescrite l’action en réduction de Mme D… Z…, qu’elle n’était pas incluse ni même en germe dans l’action en liquidation-partage de la succession engagée en octobre 2005, de sorte qu’elle n’avait pas été engagée avant l’entrée en vigueur de la loi du 23 juin 2006 ayant ramené à cinq ans le délai de prescription de l’action en réduction, la cour d’appel a violé l’article 921 du code civil ;

Alors 2°) que l’absence de détermination chiffrée de l’atteinte à la réserve héréditaire constitue un empêchement retardant le point de départ de la prescription de l’action en réduction ; qu’en ayant jugé le contraire, la cour d’appel a violé l’article 2234 du code civil ».

En résumé : le délai de prescription, fixé par le second alinéa de l’article 921 du Code civil créé par l’article 11 de la loi du 23 juin 2006 et relatif à la prescription de l’action en réduction, n’est pas applicable aux successions ouvertes avant l’entrée en vigueur de cette loi au 1er janvier 2007.

Exemples de jurisprudences récentes

Les juges du fond rendent des décisions très régulièrement sur ce sujet et plusieurs jurisprudences de 2021 ont attiré notre attention :

  • Cour d’appel de Montpellier, 3ème chambre civile, 23 septembre 2021, n° 16/06.680 dont l’attente rappelle de manière complète les règles en vigueur précitées ;
  • Cour d’appel d’Aix-en-Provence, chambre 2-4, 10 mars 2021, n° 17/23.219 :

« Sur la prescription de l’action en réduction :

L’article 920 ancien du Code civil disposait que ‘Les dispositions soit entre vifs, soit à cause de mort, qui excéderont la quotité disponible, seront réductibles à cette quotité lors de l’ouverture de la succession.

L’article 921 qui a limité à 5 ans la prescription de l’action en réduction n’étant applicable qu’aux successions ouvertes à compter du 1er janvier 2017 le délai de prescription de l’action en réduction de monsieur Y était de 30 ans et s’achevait donc le 6 janvier 2022. Cependant la loi du 18 juin 2013 a modifié les délais de prescription des actions civiles qu’il a limité à cinq ans. Dans les mesures transitoires il est prévu que les dispositions de la loi qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. Dès lors monsieur I Y devait agir dans les cinq années qui suivaient l’entrée en vigueur de la loi, soit avant le 19 juin 2013. Son action engagée le 3 août 2015 se heurte donc à la prescription.

Le fait, au demeurant contredit par sa signature qui apparaît sur la déclaration de succession, qu’il ait ignoré l’atteinte à sa réserve avant le mois de janvier 2015, n’est pas de nature à retarder le point de départ du délai de prescription et est donc sans effet sur la recevabilité de la demande.

Il convient de confirmer le jugement entrepris sur ce point. »