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Droit de la famille

Office du juge des enfants s’agissant de la fixation de la durée du droit de visite d’un parent en présence d’un tiers

Cass. civ. 1ere, 21 nov. 2024, n°21-12-661

Enfants - Autorité parentale (résidence, pensions, etc.)

Enseignement de l'arrêt

Le juge des enfants, lorsqu’il ordonne que le droit de visite d’un parent à l’égard d’un enfant confié à une personne ou à un établissement s’exercera en présence d’un tiers, est tenu de fixer la fréquence de ce droit de visite, sauf à ce que sous son contrôle, les conditions d’exercice de ce droit soient laissées à une détermination conjointe entre le ou les parents et la personne, le service ou l’établissement à qui l’enfant est confié.

Le juge des enfants, dans cette situation, n’est pas tenu, à la différence du juge aux affaires familiales qui statue sur le fondement des article 373-2-1 ou 373-2-9, de fixer la durée des mesures ainsi que la périodicité des rencontres.

Rappel du contexte

Mesures d’assistance éducative

En cas de danger pour un enfant mineur, le juge des enfants peut prononcer des mesures d’assistance éducatives.

À ce titre, l’alinéa 1 de l’article 375 du code civil prévoit que :

« Si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l’un d’eux, de la personne ou du service à qui l’enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public. Dans les cas où le ministère public a été avisé par le président du conseil départemental, il s’assure que la situation du mineur entre dans le champ d’application de l’article L. 226-4 du code de l’action sociale et des familles. Le juge peut se saisir d’office à titre exceptionnel. »

Parmi les mesures d’assistance éducatives qui peuvent être décidées par le juge des enfants figure la possibilité que l’enfant soit confié à une personne ou un établissement, quand cette mesure s’avère nécessaire.

Droit de visite parental en présence d’un tiers

Lorsque l’enfant est confié à une personne ou un établissement, les parents conservent des droits à l’égard de leur enfant.

À ce titre, l’article 375-7 précise en son alinéa 4 dispose que :

« S’il a été nécessaire de confier l’enfant à une personne ou un établissement, ses parents conservent un droit de correspondance ainsi qu’un droit de visite et d’hébergement. Le juge en fixe les modalités et peut, si l’intérêt de l’enfant l’exige, décider que l’exercice de ces droits, ou de l’un d’eux, est provisoirement suspendu. Il peut également, par décision spécialement motivée, imposer que le droit de visite du ou des parents ne peut être exercé qu’en présence d’un tiers qu’il désigne lorsque l’enfant est confié à une personne ou qui est désigné par l’établissement ou le service à qui l’enfant est confié. Lorsque le juge des enfants ordonne que le droit de visite du ou des parents de l’enfant confié dans le cas prévu au 2° de l’article 375-3 s’exerce en présence d’un tiers, il peut charger le service de l’aide sociale à l’enfance ou le service chargé de la mesure mentionnée à l’article 375-2 d’accompagner l’exercice de ce droit de visite. Les modalités d’organisation de la visite en présence d’un tiers sont précisées par décret en Conseil d’État. »

Il est donc possible que le droit de visite du parent soit conditionné à la présence d’un tiers.

Dans cette hypothèse, l’article 1199-3 du code de procédure civile précise les obligations du juge des enfants lorsqu’il statue sur une telle mesure.

L’article 1199-3 du code de procédure civil dispose que :

« La fréquence du droit de visite en présence d’un tiers est fixée dans la décision judiciaire sauf à ce que, sous le contrôle du juge, les conditions d’exercice de ce droit soient laissées à une détermination conjointe entre le ou les parents et la personne, le service ou l’établissement à qui l’enfant est confié. »

Il appartient donc au juge des enfants de fixer la fréquence du droit de visite parental en présence d’un tiers. Cependant, le juge des enfants peut également décider que les conditions d’exercice de ce droit seront laissées à une détermination conjointe entre le ou les parents et la personne, le service ou l’établissement à qui l’enfant est confié, sous son contrôle.

Apport de l’arrêt

Rappel des faits

Un couple a eu deux enfants, l’un né en 2014 et l’autre en 2017.

Par jugement en date du 22 octobre 2019, les deux enfants sont confiés au conseil départemental de l’Ain.

Par jugement en date du 22 octobre 2021, le juge des enfants renouvelle leur placement jusqu’au 31 octobre 2022. Il accorde également au père un droit de visite semi-médiatisé, deux fois par mois en lieu neutre.

Le juge des enfants précise que ce droit de visite est à organiser avec le service gardien sous son contrôle, ces droits pouvant évoluer positivement avec l’accord des services dans l’intérêt des enfants à la condition qu’il se soumette à une expertise psychiatrique ordonnée par décision distincte.

Le père interjette appel de ce jugement.

Par un arrêt en date du 6 septembre 2022, la Cour d’appel de Lyon confirme le jugement rendu par le juge des enfants.

Le père forme un pourvoi en cassation.

Tout d’abord, il fait grief à la Cour d’appel de ne pas s’être assurée que les enfants avaient été informés de leur droit à être entendus dans le cadre de la procédure les concernant. Il estime que la Cour d’appel a violé l’article 388-1 du code civil.

En outre, le père estime que la cour d’appel a violé l’article 1180-5 du code civil en lui accordant un droit de visite semi-médiatisé « au moins deux fois par mois » en lieu neutre, à organiser avec le service gardien sous le contrôle du juge des enfants. Il estime qu’il appartenait à la cour d’appel de fixer la durée de la mesure, ainsi que la durée des rencontres. En ne déterminant pas ses éléments, il estime que la Cour d’appel a violé les dispositions précitées.

Ainsi, la Cour de cassation a dû répondre à la question suivante : le juge des enfants qui ordonne qu’un droit de visite de l’un des parents s’exercera dans un espace de rencontre est-il tenu de fixer la durée de la mesure, ainsi que la durée et la périodicité des rencontres ?

Position de la Cour de cassation

Par un arrêt du 15 janvier 2025, la Première chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi.

Tout d’abord, la Cour de cassation estime que s’agissant de la question de l’information des enfants sur le droit d’être entendu le père ne s’était pas prévalu de cet élément devant le juge du fonds. Ainsi, en vertu de l’article 16 du code de procédure civil, ce moyen est irrecevable.

La Cour de cassation juge que les dispositions de l’article 1180-5 du code de procédure civile, selon lesquelles, lorsque le juge décide que le droit de visite de l’un des parents s’exercera dans un espace de rencontre, en application des articles 373-2-1 ou 373-2-9 du code civil, il fixe la durée de la mesure et détermine la périodicité et la durée des rencontres, ne sont pas applicables au juge des enfants qui ordonne que le droit de visite d’un parent à l’égard d’un enfant confié à une personne ou à un établissement s’exercera en présence d’un tiers.

En l’espèce, la décision dont appel est régie par les articles 375-7, alinéa 4, du code civil et 1199-3 du code de procédure civile. La Cour de cassation indique qu’il résulte de ces textes que le juge doit fixer la fréquence de ce droit de visite, sauf à ce que, sous son contrôle, les conditions d’exercice de ce droit soient laissées à une détermination conjointe entre le ou les parents et la personne, le service ou l’établissement à qui l’enfant est confié.

Ainsi, les obligations posées par l’article 1180-5 du code de procédure civile, ne sont pas applicables au juge des enfants qui statue sur un droit de visite parental en présence d’un tiers. Le juge des enfants n’est donc pas tenu de fixer la durée de la mesure et la périodicité et la durée des rencontre, il lui incombe simplement de fixer la fréquence du droit de visite, sauf à ce que sous son contrôle, les conditions d’exercice de ce droit soient laissées à une détermination conjointe entre le ou les parents et la personne, le service ou l’établissement à qui l’enfant est confié.

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