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Droit des successions

L’absence de rapport à la succession d’une donation due à une personne qui n’est pas l’héritier même s’il en bénéficie indirectement

Cass. civ. 1ère, 23 oct. 2024, n°22-22.698

Liquidation et partage de successions

Enseignement de l'arrêt

La donation consentie à une personne qui n’est pas héritier présomptif n’est pas rapportable à la succession même s’il en a bénéficié indirectement.

Rappels généraux sur le rapport à la succession

Dans le cadre d’une succession, lorsqu’une personne a été gratifiée du vivant du défunt par une donation formalisée, une libéralité indirecte ou un don manuel, elle doit en rendre compte aux héritiers. Ainsi, on dit qu’elle doit « rapporter » les biens ou leur valeur dans la masse successorale à partager entre tous les héritiers. 

Prévu aux articles 843 et suivants du code civil, le rapport successoral permet de conforter la dévolution légale et protéger l’égalité entre les héritiers. En effet, il n’entraîne pas la restitution ou la dépossession des biens donnés par le défunt mais permet de tenir compte de la valeur des biens donnés pour le calcul de la part successorale de chaque héritier.

Seuls les héritiers présomptifs au moment de la libéralité, sauf volonté contraire du disposant, sont tenus au rapport (article 843 du code civil).

Les faits

Un homme est décédé laissant pour lui succéder ses deux enfants, dont l’une décède avant le partage de la succession. Les trois fils de cette dernière viennent à la succession de leur grand-père en représentation de leur mère. 

L’un de ces petits-enfants avait bénéficié de plusieurs dons du défunt d’une somme totale de plus de 94 000 euros. 

La cour d’appel juge que cette somme doit être rapportée à la succession puisqu’il en avait bénéficié indirectement.

Réponse de la Cour de cassation

La Cour de cassation rappelle que conformément à l’alinéa 1er de l’article 843 du code civil, tout héritier  même ayant accepté à concurrence de l’actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement.

Cependant, elle rappelle également que le rapport n’est dû que par l’héritier à son cohéritier. Il n’est pas dû aux légataires ni aux créanciers de la succession, conformément à l’article 857 du code civil.

La Cour de cassation considère ainsi que la cour d’appel a violé les articles ci-dessus mentionnés puisque le donataire n’avait pas la qualité d’héritier ab intestat du défunt. 

En conclusion, même si le petit-fils a personnellement bénéficié de la donation, il n’en devait pas le rapport puisqu’il n’avait pas la qualité d’héritier ab intestat dans la succession de son grand-père.

La Cour de cassation vient ici rappeler la condition de principe tenant à la qualité d’héritier présomptif pour la mise en œuvre du rapport civil.

« Tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l’actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu’ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.

Les legs faits à un héritier sont réputés faits hors part successorale, à moins que le testateur n’ait exprimé la volonté contraire, auquel cas le légataire ne peut réclamer son legs qu’en moins prenant. »

« Le rapport n’est dû que par le cohéritier à son cohéritier ; il n’est pas dû aux légataires ni aux créanciers de la succession. »