Jurisprudences
La clause américaine et la fixation du prix dans les pactes d’associés
Cass. com., 12 fev. 2025, n°23-16.290
Patrimoine - Fiscalité
Enseignement de l'arrêt
Pour que le juge reconnaisse l’efficacité d’une clause d’offre alternative, celle-ci doit préciser la situation de blocage déclenchant son application, la procédure d’achat, ainsi que le prix de référence proposé par l’offrant.
Définition de la clause américaine
La clause américaine, également désignée sous l’appellation de clause « buy or sell » ou clause d’offre alternative, est un mécanisme inséré dans les pactes d’associés pour prévenir les situations de blocage en cas de désaccord profond entre associés. Elle permet à un associé de proposer de céder l’intégralité de ses parts à un prix déterminé ; l’autre associé disposant alors de l’option d’acheter ces parts ou de vendre ses propres parts aux mêmes conditions.
Cette clause est une pratique courante dans les pactes d’actionnaires, notamment pour anticiper les conflits et organiser la sortie d’un associé, y compris dans les sociétés civiles immobilières patrimoniales (SCI).
L’arrêt du 12 février 2025
Dans un arrêt rendu le 12 février 2025, la Cour de cassation apporte des précisions importantes concernant la détermination du prix dans le cadre d’une clause américaine, affirmant que le mécanisme prévu par le pacte d’associés pouvait suffire sans nécessiter un nouvel accord entre les parties.
Faits
Deux associés, cogérants d’une société, concluent un pacte d‘associés contenant une clause américaine stipulant qu’en cas de désaccord grave et persistant entraînant une paralysie du fonctionnement social, l’un pourrait proposer de céder l’intégralité de sa participation à un prix et des conditions précisées dans son offre. Le bénéficiaire de cette offre disposait de trente jours pour lever l’option, soit en rachetant les parts, soit en vendant ses propres parts aux mêmes conditions.
Après l’échec de plusieurs négociations, l’associé minoritaire met en œuvre la clause en proposant de céder ses parts pour 40 000 € ou, à défaut, d’acheter celles de l’associé majoritaire pour 60 000 €. Le majoritaire refuse.
Le minoritaire demande alors que soit constatée la cession à son profit des 60 % du majoritaire.
Arrêt de la cour d’appel
La Cour d’appel juge que la vente est parfaite au profit de l’associé minoritaire. Elle rappelle que, conformément à l’article 1591 du Code civil, le prix de vente doit être déterminé ou déterminable, et constaté que l’article 5 du pacte d’associés répondait à cette exigence. Selon elle, les engagements réciproques librement consentis par les associés constituaient un véritable contrat synallagmatique visant à résoudre un blocage sociétaire.
Pourvoi et réponse de la Cour de cassation
L’associé majoritaire se pourvoit en cassation, reprochant à la cour d’appel d’avoir validé une clause qu’il estimait entachée de nullité. Selon lui, le pacte abandonnait au seul associé mettant en œuvre la clause le pouvoir de fixer le prix de cession. Il soutenait également que les conditions de déclenchement de la clause (désaccord grave et persistant) n’étaient pas établies et dénonçait la mauvaise foi de son associé.
La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle juge que le pacte d’associés instaurait un engagement ferme et réciproque de résoudre une situation de blocage, et que le prix, bien que proposé par une partie, était déterminable de manière objective au regard des termes de l’offre initiale. L’option offerte à l’autre associé, consistant soit à acheter soit à vendre aux mêmes conditions, garantissait l’équilibre contractuel et excluait toute fixation unilatérale du prix.
Portée
La validité d’une clause américaine repose sur la capacité des rédacteurs à prévoir un mécanisme de détermination du prix ne dépendant ni d’un accord ultérieur ni de la seule volonté de l’une des parties.
Le prix de vente, bien qu’initialement fixé par l’un des associés, s’impose aux deux parties de manière équivalente : il sert aussi bien pour la cession des parts par l’offrant que pour leur acquisition par le bénéficiaire.
Ainsi, en acceptant le pacte d’associés, chaque associé consent d’avance à céder ses parts à ce prix en cas de déclenchement du mécanisme pour sortir d’une situation de paralysie.
Il existe en réalité deux promesses unilatérales réciproques, rendant possible l’exécution forcée de la cession dès que l’option est levée.
La Cour de cassation valide ce raisonnement en considérant que « la vente devenait parfaite dès l’exécution par les parties de leurs engagements résultant du pacte d’associés ».