Les notifications prévues par les articles 815-14, 815-15 et 815-16 doivent être adressées à tout nu-propriétaire et à tout usufruitier. Mais un usufruitier ne peut acquérir une part en nue-propriété que si aucun nu-propriétaire ne s’en porte acquéreur ; un nu-propriétaire ne peut acquérir une part en usufruit que si aucun usufruitier ne s’en porte acquéreur. »
Jurisprudences
Indivision – Licitation judiciaire et droit de substitution des indivisaires
Divorce – Séparation de corps, Liquidation et partage de régime matrimonial, Liquidation et partage d’indivisions mobilières et immobilières, Liquidation et partage de successions
Enseignement de l'arrêt
Dans le cadre d’une licitation judiciaire d’un bien indivis, l’article 815-15 du code civil offre aux indivisaires un droit de substitution leur permettant de se substituer à l’adjudicataire final. Ce droit est encadré par le Code civil mais les indivisaires peuvent élargir son exercice, cette disposition n’étant pas d’ordre public.
Rappel de la possibilité d’une licitation judiciaire dans le cadre d’une indivision immobilière
Fondements
La vente aux enchères ou licitation judiciaire relative à un (ou plusieurs) biens indivis peut être sollicitée sur deux fondements juridiques. Le choix entre ces deux fondements est un travail stratégique fondamental à réaliser entre indivisaire et avocat spécialisé en liquidation et partage d’indivision, car de ce seul choix peut dépendre le succès de la procédure.
L’article 815-5-1 du Code civil permet de solliciter la vente aux enchères d’un bien indivis par un ou des indivisaires disposant au moins des deux-tiers des droits indivis.
« Sauf en cas de démembrement de la propriété du bien ou si l’un des indivisaires se trouve dans l’un des cas prévus à l’article 836, l’aliénation d’un bien indivis peut être autorisée par le tribunal judiciaire, à la demande de l’un ou des indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis, suivant les conditions et modalités définies aux alinéas suivants.
Le ou les indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis expriment devant un notaire, à cette majorité, leur intention de procéder à l’aliénation du bien indivis.
Dans le délai d’un mois suivant son recueil, le notaire fait signifier cette intention aux autres indivisaires.
Si l’un ou plusieurs des indivisaires s’opposent à l’aliénation du bien indivis ou ne se manifestent pas dans un délai de trois mois à compter de la signification, le notaire le constate par procès-verbal.
Dans ce cas, le tribunal judiciaire peut autoriser l’aliénation du bien indivis si celle-ci ne porte pas une atteinte excessive aux droits des autres indivisaires.
Cette aliénation s’effectue par licitation. Les sommes qui en sont retirées ne peuvent faire l’objet d’un remploi sauf pour payer les dettes et charges de l’indivision.
L’aliénation effectuée dans les conditions fixées par l’autorisation du tribunal judiciaire est opposable à l’indivisaire dont le consentement a fait défaut, sauf si l’intention d’aliéner le bien du ou des indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis ne lui avait pas été signifiée selon les modalités prévues au troisième alinéa. »
Avant de saisir le Tribunal d’une telle demande, le ou les indivisaires disposant au moins des deux-tiers des droits indivis doivent exprimer devant un notaire leur intention de procéder à l’aliénation du bien indivis.
Dans le délai d’un mois suivant son recueil, le notaire signifie par huissier de justice l’acte d’intention aux autres indivisaires.
Si ces derniers s’opposent à l’aliénation du bien et/ou ne se manifestent pas dans un délai de trois mois à compter de la signification, le notaire le constate par procès-verbal.
Les deux-tiers des indivisaires demandeurs peuvent alors saisir le Tribunal judiciaire de la demande de licitation judiciaire.
Il n’existe aucune condition d’urgence ou de nécessité de démontrer que la vente est justifiée par un intérêt commun contrairement aux autres possibilités de licitation judiciaire.
Le tribunal doit seulement vérifier qu’il n’existe pas d’atteinte excessive aux droits des autres indivisaires. C’est une appréciation in concreto.
L’article 1686 du Code civil, second fondement, permet de solliciter la vente aux enchères de biens qui ne peuvent pas être « commodément » partagés. La doctrine considère que les biens ne sont pas commodément partageables s’ils ne peuvent pas être placés dans des lots sans division et que celle-ci entrainerait une dépréciation notable de leur valeur (cf. Claude Brenner). La jurisprudence adopte la même position.
« Si une chose commune à plusieurs ne peut être partagée commodément et sans perte ;
Ou si, dans un partage fait de gré à gré de biens communs, il s’en trouve quelques-uns qu’aucun des copartageants ne puisse ou ne veuille prendre,
La vente s’en fait aux enchères, et le prix en est partagé entre les copropriétaires. »
Régime
La licitation judiciaire est régie par les articles 1686 à 1688 du Code civil, ainsi que par les articles 1271 à 1281 du Code civil. Ainsi un avocat ou un notaire peuvent être désignés pour procéder à la vente judiciaire avec pour mission :
- établir le cahier des charges,
- procéder aux mesures de publicité qui seront fixées par le tribunal,
- recevoir les enchères.
Droit de substitution des indivisaires
Fondement
L’article 815-15 du Code civil dispose :
« S’il y a lieu à l’adjudication de tout ou partie des droits d’un indivisaire dans les biens indivis ou dans un ou plusieurs de ces biens, l’avocat ou le notaire doit en informer les indivisaires par notification un mois avant la date prévue pour la vente. Chaque indivisaire peut se substituer à l’acquéreur dans un délai d’un mois à compter de l’adjudication, par déclaration au greffe ou auprès du notaire.
Le cahier des conditions de vente établi en vue de la vente doit faire mention des droits de substitution. »
La loi offre ainsi à un indivisaire la possibilité de se substituer à l’adjudicataire d’un bien indivis dans le délai d’un mois à compter de l’adjudication.
L’article 815-18 du Code civil prévoit un droit de substitution au profit de l’usufruitier ou du nu-propriétaire lorsqu’un démembrement se superpose à l’indivision. Les modalités de substitution sont ainsi encadrées :
- un usufruitier ne peut acquérir une part en nue-propriété que si aucun nu-propriétaire ne s’en porte acquéreur,
- (inversement pour le nu-propriétaire) il ne peut acquérir une part en usufruit que si aucun usufruitier ne s’en porte acquéreur.
« Les dispositions des articles 815 à 815-17 sont applicables aux indivisions en usufruit en tant qu’elles sont compatibles avec les règles de l’usufruit.
Exercice du droit de substitution
Par principe, le droit de substitution ne peut être appliqué que dans l’hypothèse d’une adjudication portant sur une fraction des droits d’un indivisaire.
L’article 815-15 du Code civil mentionne « tout ou partie des droits d’un indivisaire » et non pas le bien indivis.
Les juges du fond considèrent consécutivement que l’article 815-15 du Code civil ne s’appliquent pas lorsque l’adjudication porte sur le bien indivis lui-même : car peu importe l’adjudicataire, le bien sera cédé et l’indivision cessera.
Ce mécanisme n’étant pas d’ordre public, le cahier des charges peut y déroger en prévoyant un droit de substitution dans l’hypothèse où l’adjudication porterait sur le bien indivis lui-même.
Cette clause doit être envisagée par l’indivisaire demandant la licitation lors de la procédure. À défaut d’un jugement en ce sens, l’accord de tous les indivisaires sera nécessaire pour intégrer une telle clause dans le cahier des charges.
Information des indivisaires
L’avocat ou le notaire en charge de l’adjudication doit informer les indivisaires de celle-ci un mois avant la date prévue pour la vente. La notification peut se faire par lettre recommandée avec accusé de réception mais une notification par huissier de justice permet d’éviter toute difficulté.
La notification doit être faite au nu-propriétaire et à l’usufruitier (lorsqu’un démembrement se superpose à l’indivision).
Délai et conditions
La substitution à l’adjudicataire s’effectue dans un délai d’un mois à compter de l’adjudication par déclaration au greffe ou auprès d’un notaire.
Le cahier des charges peut subordonner ce droit à une consignation préalable par l’indivisaire substituant.
Élément fondamental : l’indivisaire qui exerce ce droit de substitution doit s’acquitter de l’intégralité du prix de vente : il ne peut invoquer une compensation avec les droits qu’il détient dans l’indivision.
Évidemment, il récupère ensuite sa part du prix de licitation mais l’avance de trésorerie peut constituer un obstacle qui doit être anticipé.
Si plusieurs indivisaires exercent ce droit de substitution, c’est l’indivisaire qui a effectué le premier la déclaration de substitution qui se substitue à l’acquéreur initial.
Effets de la substitution sur l’existence de l’indivision
La Cour de cassation considère que la substitution à l’adjudicataire par un indivisaire emporte transfert de propriété à son profit et cessation de l’indivision au jour de l’adjudication. Elle considère néanmoins qu’il s’agit d’un partage partiel et que le prix est assimilable à une soulte.
En cas de non-versement du prix, la possibilité de poursuivre la revente par réitération des enchères ne semble pas envisageable (car la licitation est assimilée à un partage partiel).
Il existe toutefois une incertitude jurisprudentielle sur ce sujet et il est recommandé de prévoir dans le cahier des charges une clause sur ce sujet.