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Droit de la famille

Conformité à l’ordre public d’une répudiation prononcée à l’étranger

Cass. civ. 1ère, 12 juil. 2023, n°21-21.185

Divorce – Séparation de corps, Droit international privé de la famille

Enseignement de l'arrêt

Le caractère discrétionnaire d’une répudiation ne heurte pas l’ordre public français, à condition qu’elle puisse être exercée de façon égalitaire, par l’époux ou par l’épouse.

Régime de l’opposabilité en France des jugements étrangers de répudiation

La Cour de Cassation s’est prononcée à de nombreuses reprises sur la reconnaissance en France de la répudiation prononcée à l’étranger.  

Dans un arrêt du 17 février 2004, les juges avaient considéré que la répudiation, même si elle résultait d’une procédure loyale et contradictoire, était contraire au principe d’égalité des époux lors de la dissolution du mariage dans la mesure où cette procédure ne donnait pas d’effet juridique à l’opposition éventuelle de l’épouse (Civ.  1ère 17 février 2004, n°01-11.549). 

Dans une autre affaire concernant également un couple franco-algérien, la Cour de cassation indique que la France s’est engagée à garantir le principe d’égalité des époux lors de la dissolution du mariage à toute personne relevant de sa juridiction.  

Dès lors que les époux de nationalité algérienne se trouvaient domiciliés en France, la Cour ainsi que le jugement algérien fondé sur le droit pour le mari de mettre fin de façon discrétionnaire au mariage est donc contraire à l’ordre public international.  (Civ.  1ère 4 juillet 2018, n° 17-16.102).

Arrêt du 12 juillet 2023

Rappel des faits

Deux époux, de nationalité tunisienne, se marient en Tunisie le 8 avril 2006 avant d’acquérir la nationalité française en 2016. 

L’épouse introduit une requête en divorce devant le juge aux affaires familiales français. 

Son mari soulève une fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée d’un jugement de divorce prononcé sur sa demande unilatérale par le tribunal de Sousse et ayant acquis force de chose jugée.  

L’épouse fait valoir que le jugement de divorce tunisien était contraire à l’ordre public international car il constatait la volonté unilatérale du mari de mettre fin au mariage : 

  1. sans justification 
  2. sans donner d’effet juridique à l’opposition de la femme
  3. sans donner d’autre pouvoir à l’autorité compétente que d’aménager les conséquences financières de cette rupture du lien matrimonial.  

La Cour d’appel de Versailles admet l’opposabilité du jugement de divorce en France et déclare irrecevable la requête en divorce de l’épouse qui se pourvoit en cassation.  

L’épouse estime que la loi tunisienne est contraire au principe d’égalité des époux lors de la dissolution du mariage et qu’elle contredit donc l’ordre public international français.  

La Cour de cassation constate que l’article 31,3 du code du statut personnel tunisien édicte que le cas de divorce utilisé par l’époux n’est pas assimilable à une répudiation unilatérale accordée au seul mari dès lors que celui-ci est ouvert de manière identique à chacun des conjoints.  

Après avoir rappelé que la décision tunisienne avait été rendue conformément aux exigences d’un procès équitable et sans fraude aux droits de l’épouse, elle en déduit que la décision tunisienne n’était pas contraire au principe d’égalité des époux dans la dissolution du mariage et rejette le pourvoi de l’épouse. 

Portée de l’arrêt

Le caractère discrétionnaire d’une répudiation ne heurte plus les valeurs françaises à condition qu’elle ne soit pas une prérogative masculine.  

La solution ne surprend pas dès lors que le droit français connaît lui-même des formes de répudiation égalitaire : l’une par lettre recommandée dans le Pacs, l’autre subordonné à un délai d’attente dans le divorce pour altération définitive du lien conjugal.  

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