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Procédure

Acte notarié : distinction entre erreur de droit et faux

Cass. civ. 3e, 29 juin 2023, n°22-11.384

Procédure et pratiques professionnelles

Enseignement de l'arrêt

L’erreur d’appréciation de la fixation d’une date dans un acte notarié n’est pas susceptible d’une inscription en faux, mais est constitutive d’une erreur de droit.

Rappel du contexte légal

Les différents faux

Le faux dans un acte notarié peut prendre plusieurs visages : il peut s’agir d’une altération d’un acte existant, ou bien de la création de toutes pièces d’un faux acte authentique. Dans ces deux hypothèses, on parle de faux matériel. 

Il est également possible que l’officier public ait lui-même introduit dans l’acte de fausses énonciations : il s’agira lors d’un faux intellectuel. 

Dans tous les cas, celui qui conteste l’acte et l’argue de faux conteste la véracité des énonciations contenues dans le document, et non pas seulement la validité du titre.

La procédure incidente d’inscription en faux

Elle est régie par les articles 303 à 316 du Code de procédure civile. 

L’inscription de faux est dite incidente lorsqu’elle survient à l’occasion d’un litige déjà engagé : une partie invoque un acte authentique au soutien de ses prétentions, et la partie adverse prétend que cet acte est un faux.

La compétence est accordée par le Code de procédure civile, à la juridiction qui est saisie du litige. Toutefois ce principe n’est pas applicable lorsque la juridiction saisie du fond est une juridiction d’exception : Tribunal de commerce, Tribunal paritaire des baux ruraux…

Si le tribunal déclare l’acte authentique et rejette toute allégation de faux, il admet cet acte comme élément de preuve des prétentions des parties. En revanche, si le tribunal rejette l’acte comme faux, son jugement doit être mentionné en marge dudit acte.

Les éléments de la décision

Les faits de l’espèce

Un homme loue diverses parcelles de terre par le biais d’un bail à ferme. Ce bail est renouvelé le 29 septembre 2000 pour une durée de 9 ans. 

Le 28 octobre 2003, par acte notarié, le bailleur accepte la demande de son preneur d’associer au bail son épouse. A cette occasion les parties s’accordent pour convertir le bail renouvelé en 2000, en un bail à long terme. 

Le 13 mars 2017, les ayants-droit du bailleur délivrent congé au preneur aux fins de reprise de terre.

La procédure

Les preneurs saisissent le Tribunal paritaire des baux ruraux en contestation de ce congé. A ce titre, ils forment devant le Tribunal judiciaire une demande d’inscription de faux à l’encontre de l’acte notarié du 28 octobre 2003 qui ferait figurer une fausse date de renouvellement.

Comme elle le fait systématiquement, la Cour d’appel rappelle d’abord part que l’acte authentique fait foi jusqu’à inscription de faux de l’existence matérielle des faits.

De la lecture de l’acte notarié du 28 octobre 2003 la Cour d’appel déduit : 

  • Que les parties ont bien souhaité convertir le bail en bail à long terme.
  • Que cette conversion est passée par la transformation du bail initial du 21 mars 1992 et non pas par la conclusion d’un nouveau bail à compter du 28 octobre 2003. 
  • Que la mention selon laquelle la qualité de co-preneur fait courir le bail à compter du 28 octobre 2003 (date de l’acte notarié) au lieu du 29 septembre 2000 (date du renouvellement du bail) était une erreur de droit et non un faux intellectuel. 

La Cour d’appel considère que l’acte notarié du 28 octobre 2003 n’est pas un faux. 

Dans son arrêt du 29 juin 2023 la troisième chambre civile de la Cour de cassation valide le raisonnement de la Cour d’appel et rejette le pourvoi des preneurs à bail. 

In fine, cet arrêt vient rappeler la différence entre le faux intellectuel et l’erreur de droit qui n’ont fondamentalement pas les mêmes conséquences. 

En effet : 

  • lorsque le notaire commet une erreur de droit, sa responsabilité civile est engagée, 
  • lorsqu’il s’agit d’un faux, le Notaire encourt des sanctions pénales.