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Questions-réponses

FAQ - Tutelles et autres régimes de protection des majeurs vulnérables

Toutes les pistes pour protéger ses proches et soi-même !

Après les séparations et les successions, nous tenions chez Canopy Avocats à évoquer le thème des mesures de protection des majeurs. Pour soi ou pour ses proches, la perte des facultés mentales et/ou physiques est une réalité qu’il faut malheureusement connaître et parfois anticiper. Afin que tout se passe au mieux, nous vous proposons notre FAQ qui répond aux questions les plus courantes en la matière. 

Mes parents n’ont plus toute leur capacité. Quels sont les différents types de mesure de protection ?

Il existe trois grands types de mesures judiciaires varie en fonction de l’altération des facultés physiques et/ou mentales : 

  • la sauvegarde de justice est la mesure de protection la plus simple et la plus courte. Le majeur sous sauvegarde de justice conserve le droit d’accomplir les actes de la vie civile sauf ceux que le juge a confié à un mandataire spécial. Cette mesure permet également de contester plus facilement certains actes conclus alors qu’ils étaient contraires aux intérêts du majeur.  
    • Cette mesure est fixée pour une durée d’un an renouvelable une seule fois.
    • Outre l’arrivée du terme, elle cessera notamment en cas de levée de la mesure par le juge (par exemple en cas de récupération de ses facultés par le majeur) ou en cas d’ouverture d’une mesure de curatelle ou de tutelle
  • la curatelle est une mesure d’assistance d’une personne dans les actes de la vie civile.
    • Un curateur est nommé pour assister la personne dans les actes de la vie civile. Dès lors, le majeur doit être assisté par son curateur lors de l’accomplissement des actes prévus par le juge. 
    • Plusieurs degrés existent (curatelle simple ou renforcée) et octroient des pouvoirs plus ou moins larges au curateur. 
    • Cette mesure est fixée pour 5 ans renouvelables. Si l’altération des facultés du majeur protégée apparait irrémédiable, le juge peut renouveler la curatelle pour une durée de 20 ans maximum.  
  • la tutelle, mesure la plus grave, a vocation à protéger une personne majeure qui n’est plus en état de veiller à ses propres intérêts tant personnels que patrimoniaux. Elle ne sera prononcée que si la curatelle est insuffisante à la protection des intérêts du majeur. 
    • Le tuteur nommé par le juge représente le majeur protégé dans les actes de la vie civile. 
    • La tutelle est fixée pour la même durée que la curatelle

J’ai entendu parler de l’habilitation familiale. Qu’est-ce ?

L’habilitation familiale est une nouvelle mesure de protection (ordonnance du 15 avril 2015) devant permettre aux familles – qui en ont la possibilité – de pourvoir seules aux intérêts d’un proche vulnérable et d’assurer sa protection. Cette mesure est beaucoup moins contraignante puisque la personne qui assiste le majeur à protéger (appelé l’habilité) n’a aucun compte à rendre au juge des tutelles (pas de comptes de gestions annuels, pas d’autorisation nécessaire du juge pour vendre un bien du majeur, etc.). 

Les conditions d’ouverture de cette mesure sont similaires à celles des mesures classiques de protection des majeurs incluant donc la saisine du juge. Toutefois au regard de la liberté accordée et des pouvoirs extrêmement larges de la personne habilitée, l’habilitation familiale ne sera sans doute acceptée par le juge qu’en cas de schéma juridique simple et en cas d’entente des membres de la famille du majeur à protéger.

Cette mesure peut être ordonnée pour une durée de dix ans et être portée à vingt ans lorsque l’altération des facultés personnelles de la personne à l’égard de qui l’habilitation a été délivrée n’apparaît manifestement  pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science.

Je souhaite placer un parent sous une mesure de protection. Quel est le coût d’une telle mesure ?

Plusieurs postes de frais doivent être distingués : 

  • le certificat médical nécessaire à l’ouverture d’une mesure de protection présente un coût de 160€, sauf s’il est délivré à la demande du Procureur de la République ou du Juge des tutelles ;
  • les honoraires de l’avocat dont la teneur dépendra des difficultés rencontrées, de la durée prévisible de la procédure, etc. ;
  • la rémunération éventuelle du curateur / tuteur par principe prélevée sur le patrimoine même du majeur protégé si sa consistance le permet. 

Si la mesure a été confiée à un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, sa rémunération obligatoire est fixée selon un barème dont le montant dépend des revenus du majeur protégé.

Le proche d’un majeur peut également être rémunéré de manière facultative sur décision du juge en fonction du patrimoine du majeur et/ou de la difficulté d’exercer sa mission. 

Je souhaite placer un parent sous tutelle / curatelle. Qui peut être désigné tuteur / curateur ?

C’est le Juge des tutelles ou le Conseil de famille (institué par le juge) qui choisit la personne désignée en qualité de curateur / tuteur / mandataire spécial. Dans la mesure du possible, le juge tient compte des sentiments exprimés par le majeur protégé et choisit une personne parmi les proches du majeur si sa situation familiale le permet.

Lorsque l’entourage familial du majeur ne permet pas de désigner un curateur / tuteur, un tiers professionnel pourra être nommé. Il s’agira d’un mandataire judiciaire à la protection des majeurs choisi sur une liste établie par le préfet.

Je vieillis et aimerais prévoir mes conditions de vie pour le jour où je ne serai plus en capacité de l’exprimer. Comment faire ?

Le mandat de protection future répond précisément à ce besoin. C’est un acte écrit (sous seing privé ou notarié) qui offre la possibilité à toute personne de prévoir ses conditions de vie lorsqu’elle ne sera plus capable de pourvoir seule à ses intérêts et/ou en cas d’altération de ses facultés mentales. 

Le mandat de protection future peut être très précis et traiter de nombreux sujets : 

  • ses conditions de vie (maintien au domicile le plus longtemps possible, refus d’une maison de retraite et préférence pour une aide soignante à domicile, souhait de vivre avec sa fille, etc.) ;
  • son accompagnement médical ;
  • ses relations personnelles ;
  • ses loisirs et vacances ;
  • la gestion de son patrimoine ;
  • etc.

Le mandant doit désigner la personne qui sera chargée d’assurer sa représentation (appelée le mandataire) dans les actes de la vie civile, personnelle et patrimoniale. Les pouvoirs de ce dernier dépendront du contenu du mandat. Ils peuvent ainsi être plus ou moins étendus. La mission du mandataire sera contrôlée par un organe devant également être désigné par le mandant. 

Le mandat de protection future est appliqué lorsque le mandataire constate que l’état de santé du mandant ne lui permet plus de prendre soin de sa personne ou de s’occuper de ses affaires. Il effectue les démarches nécessaires pour que le mandat prenne effet en se présentant muni du mandat et d’un certificat médical circonstancié au greffe du tribunal d’instance pour faire viser le mandat par le greffier et permettre ainsi sa mise en œuvre immédiate.

Ce mandat prend fin en cas de rétablissement des facultés personnelles du mandant ; le placement du mandant sous une mesure de protection ; de son décès ; du décès du mandataire, son placement en curatelle ou tutelle ou sa déconfiture ; en cas de révocation du mandataire prononcée par le juge des tutelles à la demande de tout intéressé.

Les  facultés d’un de mes proches sont altérées. Que puis-je faire si je ne suis pas de sa famille ?

Il est possible de saisir le juge des tutelles pour que ce dernier ouvre une mesure de protection à l’égard de votre proche. 

Une telle démarche est cependant réservée à une certaine catégorie de personnes:

  • la personne à protéger elle-même, ou la personne avec qui elle vit en couple (c’est-à-dire l’époux, le partenaire ou le concubin) ;
  • un parent ou un allié ;
  • une personne entretenant avec le majeur des liens étroits et stables ;
  • la personne qui exerce (déjà) la mesure de protection juridique (curateur ou tuteur).

La demande peut être également présentée par le Procureur de la République soit de sa propre initiative soit sur alerte d’un tiers (médecin, directeur d’établissement de santé, travailleur social…).

Je souhaite saisir le juge des tutelles. Comment faire ?

​Tout d’abord, la demande est adressée au juge des tutelles du tribunal d’instance dont dépend le lieu de résidence du majeur à protéger.

​Ensuite, la demande doit être présentée par une requête : soit via un formulaire CERFA soit via un document rédigé par avocat qui détaillera avec précision la situation, les raisons de la demande.

Enfin, il doit impérativement être joint un certificat médical circonstancié établissant l’altération des facultés de la personne et rédigé par un expert inscrit sur la liste du Procureur de la république.

​Mon proche a refusé la visite du médecin expert. Comment puis-je faire pour saisir le juge des tutelles ?

​Le certificat médical étant un document obligatoire pour saisir directement le juge des tutelles, il convient d’alerter le Procureur de la République en lui expliquant la situation. 

Le parquet pourra alors prendre le relais et saisir le juge des tutelles, qui pourra prendre des mesures provisoires le temps d’éclaircir la situation.

Une mesure de tutelles a été demandée à mon profit. Où vais-je vivre ?

Quelle que soit la nature de la mesure, le juge des tutelles va privilégier le maintien du majeur protégé dans son logement. Plus encore, il est prévu que son logement, résidence principale ou secondaire, est conservé à la disposition du majeur aussi longtemps que possible.

Cependant, « s’il devient nécessaire ou s’il est de l’intérêt de la personne protégée qu’il soit disposé des droits relatifs à son logement ou à son mobilier », l’acte nécessaire (vente, résiliation ou conclusion d’un bail) est autorisé par le juge.

Mon époux est malade et n’est plus apte à s’exprimer. Je souhaiterais vendre notre domicile conjugal, quelles sont mes possibilités en dehors d’une mesure de protection ?

La loi prévoit l’application d’un mécanisme de représentation propre aux époux même si l’état du conjoint justifierait l’ouverture d’une mesure de protection juridique (sauvegarde de justice, curatelle, tutelle).

Dans ce cadre, l’époux dont le conjoint est empêché de manifester sa volonté peut solliciter une autorisation fondée sur l’article 217 al 1er du code civil dès lors que l’acte à accomplir est de ceux qui exigent ordinairement une certaine unanimité conjugale, comme c’est le cas lorsqu’il s’agit de disposer du logement de la famille. D’ordinaire, pour garantir à la famille la stabilité de son cadre de vie, le logement et les meubles meublants sont frappés d’indisponibilité relative, de sorte que les époux doivent consentir l’un et l’autre à l’acte projeté (article 215, alinéa 3 du Code civil). 

L’époux peut également solliciter une habilitation fondée sur l’article 219 alinéa 1er du code civil qui dispose que :

 « Si l’un des époux se trouve hors d’état de manifester sa volonté, l’autre peut se faire habiliter par justice à le représenter, d’une manière générale, ou pour certains actes particuliers, dans l’exercice des pouvoirs résultant du régime matrimonial, les conditions et l’étendue de cette représentation étant fixées par le juge. »

Cette autorisation est donc vécue comme un correctif à des difficultés ponctuelles, isolées et limitées dans le temps.

Ma mère est très malade et nous avons demandé avec ma sœur l’ouverture d’une tutelle à son égard. Aujourd’hui, je m’occupe de la gestion de ses finances et ma sœur s’occupe de notre mère au quotidien. Est-il possible que le juge des tutelles valide ce mode de fonctionnement ?

Il existe deux types de tutelles : la tutelle aux biens et la tutelle aux personnes. 

La tutelle aux biens concerne l’ensemble des biens de la personne placée sous tutelle et la tutelle à la personne vise les décisions d’ordre personnel du majeur protégé. 

Dès lors, plusieurs personnes peuvent être nommées tuteurs. 

  • Le tuteur aux biens aura pour mission la gestion des biens du majeur et devra rendre des comptes de sa gestion. 
  • Le tuteur à la personne aura pour mission de prendre soin de la personne. Néanmoins, la tutelle à la personne ne donne pas au tuteur le pouvoir de prendre des mesures coercitives à son égard.  

Cette distinction est également possible pour les mesures de curatelle.

Ma mère est décédée en me laissant mes frères et moi comme héritier. Un de mes frère est placé sous une mesure de protection. Comment se passe le règlement de la succession ? 

Le majeur protégé héritier ne peut pas décider d’accepter ou de renoncer à la succession puisqu’il s’agit d’un acte de disposition qui nécessite l’assistance du curateur ou l’autorisation préalable du juge des tutelles en cas de tutelle sauf pour les cas d’acceptation de la succession à concurrence de l’actif net. 

Le majeur protégé n’a également pas le droit de signer l’acte de partage amiable sans son curateur ou l’autorisation du juge des tutelles.

Le tuteur/curateur désigné par le juge des tutelles ne répond jamais à mes sollicitations ni à celles du majeur protégé. Comment contrôler ce qu’il fait ?

Le curateur ou le tuteur désigné doit en principe répondre à toutes les demandes d’explications formulées par le Juge des tutelles ou le conseil de famille. Il n’a pas cette obligation pour les membres de la famille même les enfants. Il doit en revanche correspondre régulièrement avec son protégé. 

En revanche, un mécanisme de rapport annuel est prévu. Il rend compte au juge régulièrement et en tout cas annuellement par le dépôt d’un rapport de gestion (articles 463 et 510 du Code civil). C’est le juge qui autorise ensuite ponctuellement l’accès au dossier. 

Enfin, il convient de conserver à l’esprit que la responsabilité du représentant défaillant peut être engagée si son inertie et son silence portent préjudice au majeur à protéger.

Je pense que le curateur/tuteur est en opposition d’intérêts avec le majeur protégé. Puis-je demander au juge des tutelles d’intervenir ?

Les textes du code civil et du code de procédure civile prévoient des solutions lorsque les intérêts du majeur à protéger sont en opposition à ceux de son représentant. 

Plutôt que d’écarter le représentant de la gestion du patrimoine du majeur tout entière, le Juge des tutelles peut désigner un administrateur ad hoc qui supplée le tuteur ou le curateur dans le cadre des opérations où les intérêts du représentant habituel sont en conflit avec ceux du majeur protégé. Il peut s’agir par exemple de la vente d’un bien, ou encore de la conclusion d’un bail, etc.

Le certificat médical circonstancié indique que le majeur protégé n’est pas en capacité d’être entendu par le Juge. Pourtant celui-ci insiste et vivrait très mal le fait d’être écarté de la procédure qui le concerne. Comment le faire auditionner malgré tout ?

Le code de procédure civile prévoit que l’audition du majeur à protéger est automatique, toutes les fois où une mesure de protection judiciaire est envisagée. Il existe une exception à ce principe lorsque l’audition est de nature à porter atteinte aux intérêts du majeur protégé. 

Dans le cas où le certificat médical circonstancié indiquerait que le majeur n’est pas en capacité d’être entendu, et que celui-ci semble potentiellement en mesure de l’être, la première mesure à prendre serait de faire réaliser une seconde expertise afin d’avoir l’avis d’un autre praticien sur l’audition. Il se peut en effet que le premier se soit présenté à un « mauvais moment » où le majeur à protéger s’est révélé souffrant ou désorienté ce qui a pu fausser l’avis du médecin expert. 

En fonction du résultat obtenu, vous aurez la possibilité de solliciter le Juge des tutelles afin que celui-ci procède finalement à l’audition du majeur protégé. 

Le majeur protégé n’est pas content de l’ouverture d’une mesure de protection et continue à passer des actes comme si aucune mesure n’avait été ouverte à son profit. Comment faire ?

Si vous êtes un tiers contractant du majeur protégé, il convient de vérifier par une demande de copie d’un acte d’état civil si une mesure de protection a été ouverte. 

Dans l’affirmative, il faut que vous vous rapprochiez du juge des tutelles et du mandataire (tuteur / curateur) afin que la validité des actes passés avec le majeur soit évaluée en fonction du type de mesure à laquelle il est soumis. 

En effet, les actes pour lesquels une assistance du curateur est requise, ou une représentation du tuteur selon le régime de protection en place ne sont pas considérés comme valides si le représentant du majeur protégé n’était pas présent à l’acte.

Seul mon époux perçoit des revenus et le Juge des tutelles m’a indiqué que l’ouverture d’une mesure de protection entraînerait la scission de nos revenus. Comment puis je faire pour continuer à subvenir à mes besoins ?

Si une mesure de protection est ouverte à l’égard de votre époux, il sera nécessaire d’entamer une procédure devant le Juge aux affaires familiales et de déposer une requête aux fins de contribution aux charges du ménage. 

La contribution aux charges du ménage est une obligation conjointe d’ordre public et la loi prévoit que si l’un des époux ne remplit pas ses obligations, il peut y être contraint par l’autre dans les formes prévues au Code de procédure civile. 

Au-delà du besoin, la contribution aux charges recouvre, selon la Cour de cassation, « tout ce qui est nécessaire aux besoins de la vie familiale ». Malgré l’utilisation de ce terme « besoin », la contribution aux charges dépasse cette notion stricte de besoin entendue au sens de nécessité presque vitale et inclut le maintien d’un certain niveau de vie. 

Ainsi, la contribution aux charges se détermine par rapport aux ressources du couple et au train de vie qu’ils peuvent mener correspondant à ces ressources et non par rapport à un état de besoin.

Contrairement à une requête en divorce, la requête aux fins de contribution aux charges du ménage ne marque pas du tout une séparation judiciaire.

Dans l’hypothèse où la mesure de protection entraînerait une scission de vos revenus respectifs, cela permettrait que le Juge aux affaires familiales valide votre mode de fonctionnement actuel et qu’il fixe une contribution aux charges du mariage à hauteur des charges que votre époux prenait en charge spontanément jusqu’à présent.