Elle n’est opposable aux tiers qu’après accomplissement de ces formalités et après publication au registre du commerce et des sociétés ; ce dépôt peut être effectué par voie électronique. »
Jurisprudences
L’opposabilité à un héritier d’une cession de parts sociales non publiée
Cass. civ. 1ere, 21 mai 2025, n°23-10.119
Liquidation et partage de successions
Contexte
En droit des sociétés civiles, la cession de parts sociales est encadrée par des règles strictes, notamment en matière de publicité, afin d’en assurer l’opposabilité aux tiers.
« La cession de parts sociales doit être constatée par écrit. Elle est rendue opposable à la société dans les formes prévues à l’article 1690 ou, si les statuts le stipulent, par transfert sur les registres de la société.
« Le cessionnaire n’est saisi à l’égard des tiers que par la signification du transport faite au débiteur.
Néanmoins, le cessionnaire peut être également saisi par l’acceptation du transport faite par le débiteur dans un acte authentique. »
Par un arrêt du 21 mai 2025, la Cour de cassation rappelle et clarifie le régime d’opposabilité applicable aux actes conclus par le défunt, en réaffirmant une distinction classique mais fondamentale entre les « tiers » au sens de l’article 1865 et les héritiers, parties réputées aux actes de leur auteur.
Faits et procédure
Faits
Deux époux décèdent en 2007 et 2012, laissant pour leur succéder leurs sept enfants. Des désaccords apparaissent entre les héritiers concernant certains biens, notamment des parts sociales détenues par le défunt dans une SCI et une SARL.
L’un des fils avait bénéficiait en 1994 d’une cession de parts sociales (33 parts de SCI et 990 parts de SARL). Toutefois, les formalités de publicité prévues à l’article 1865 du code civil n’avaient pas été accomplies par le cessionnaire.
Ses cohéritiers contestent l’opposabilité de la cession des parts de la SCI à la succession et sollicitent consécutivement la restitution des bénéfices perçus par le cessionnaire. Ils demandent en outre la requalification en donation déguisée de la cession de parts de la SARL.
Décision de la Cour d’appel
La Cour d’appel de Reims, par un arrêt du 10 novembre 2022, énonce que la cession des 33 parts de la SCI est bien inopposable à la succession en raison de l’absence de publication et ordonne la réintégration de ces parts à l’actif successoral. En outre, elle condamne le fils à restituer les dividendes perçus sur ces parts depuis 1994.
Elle juge également que la sous-évaluation des parts de la SARL constituait une donation déguisée, soumise à rapport avec intérêts au taux légal à compter de la date de perception.
Le fils donataire se pourvoit en cassation.
Solution de la Cour de cassation
La première chambre civile de la Cour de cassation, par arrêt du 21 mai 2025, casse partiellement l’arrêt d’appel.
La Cour rappelle que les héritiers ne sont pas considérés comme des tiers à l’acte de cession passé par leur auteur. Par conséquent, ils ne peuvent se prévaloir du défaut de publication pour rendre cet acte inopposable à la succession.
En effet, la Cour de cassation rappelle que les formalités prévues à l’article 1865 du code civil ont pour seul but d’informer les tiers et ne sont pas requises dans les rapports entre parties ou leurs héritiers. En ce sens, les héritiers sont réputés continuer la personne du défunt et deviennent parties aux actes conclus par ce dernier, même s’ils en ignoraient l’existence.
La Cour casse donc l’arrêt en ce qu’il a jugé que les parts de SCI devaient réintégrer la succession.
Sur le rapport de la donation déguisée liée à la cession des parts de SARL à un héritier, la Cour de cassation reproche à la cour d’appel d’avoir ordonné le paiement des intérêts à compter de la date de perception (soit 1994). Elle rappelle que les intérêts des sommes soumises à rapport ne sont dus qu’à compter du jour où le montant du rapport est déterminé. L’arrêt est également cassé sur ce point.
Apport de l’arrêt
Dans cet arrêt, la Cour de cassation réaffirme que seuls les véritables tiers, tels que les créanciers, les coassociés non-parties à l’acte ou les cocontractants externes, peuvent se prévaloir des formalités de publicité prévues à l’article 1865 du Code civil.
S’inscrivant dans une jurisprudence constante en matière de sociétés civiles, cette décision confirme une lecture restrictive du champ d’application de cet article.
L’arrêt assure ainsi une certaine sécurisation des transmissions patrimoniales intra-familiales, en empêchant que les cohéritiers remettent en cause des cessions privées, régulièrement consenties, même si elles n’ont pas été publiées et qu’ils n’en avaient pas connaissance.
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